Pardon, d'avance pour la longueur...
Je vous ai mis l'intégrale !
Avec préambule et épilogue en spoiler !
Préambule
- Spoiler:
Armaël,
Tu t’es installé dans nos vies alors qu’on ne s’y attendait plus. Après 3 ans sans contraception, après une longue attente parsemée d’embûches et d’espoirs déçus, tu as fait ton nid, en plein déménagement, en plein changement de vie, comme si c’était dans cette nouvelle vie que tu voulais prendre ta place, tout simplement. Tu t’es annoncé comme le plus beau cadeau d’anniversaire de ma vie en m’offrant le test positif que je n’osais plus attendre le 9 août 2010.
Le terme est situé entre le 18 et le 21, avril 2011, selon les calculs, ce qui est un comble pour une IAC ! Du coup, quand on me demande, j’arrondis souvent à Pâques, pour te laisser éventuellement quelques jours de plus (cette année Pâques tombe le 24 avril). En fait, j’espère secrètement que nous fêterons Pâques à 5 et que tu ne prolongeras pas ton bail. Je ne me vois plus enceinte au delà de cette date, pas plus que je ne m’imagine accoucher avant la mi-avril. Mouarf !
C’est vrai qu’avec ton papa, on plaisante souvent au sujet de la lune noire de début avril. Il faut dire que tes frères sont nés tous les deux à la lune noire, enfin juste après pour être précis, et que ton arrière grand-mère disait « que ça y faisait pour les vaches ». Merci mémé ! Sauf que pour tes frères, la lune noire correspondait également à leur terme et que, toi, tu es prévu plus de 15 jours plus tard.
Donc dans ma tête, c’est plus un sujet de plaisanterie qu’autre chose. Pas avant la mi-avril j’ai dit ! Re-mouarf !
Tu es probablement le dernier enfant que je porte. Ta grossesse est probablement ma dernière, du moins, j’ai essayé de la vivre comme telle, mais c’est aussi la moins confortable. Celle où je cumule les désagréments, heureusement pas les soucis graves, mais juste tous ces petits tracas qui rendent mon quotidien de femme enceinte bien difficile : les vomissements, y compris nocturnes (nouveauté de cette grossesse) jusqu'à 4 mois révolus, les contractions dès 5 mois (avec plusieurs faux/pré travaux), la tension trop basse avec les malaises que ça a impliqué quand je travaillais encore, l’anémie sévère (qui a rajouté à l'abattement), les problèmes de dos évidemment, et à partir de 7 mois et demi des brûlures à l'oesophage assez gênantes et douloureuses pour sauter régulièrement des repas. Le tableau est pas mal complet. Pourtant j’accepte tous les inconvénients de cette grossesse tellement désirée, tellement attendue, sans plus ronchonner que ça. Sauf vers la fin… Il faut avouer que là, je sature un peu et que pour la première fois en 3 grossesses, j’en ai marre avant l’heure. J’en ai marre avant même d’entammer le dernier mois, tant j’ai mal partout, tant je suis fatiguée des troubles digestifs et des contractions depuis plusieurs mois. Pour la première fois, j’ai très tôt hate de voir ta frimousse et de passer à autre chose.
Pour autant, on a une belle relation tous les deux, je te parle tout le temps, tu remues beaucoup (je dis souvent : plus que tes deux frangins réunis !) et je savoure ces moments, meme si sur la fin, tes mouvements me font parfois mal, ce qui est logique vu ton poids.
Ton poids justement est source d’inquiétude pour certains.
L’échographe évalue ton poids aux alentours de 4 kg à terme. Ça ne l’inquiète pas, elle : ça suit la logique de tes frères. Ça ne m’inquiète pas non plus, du moment que tu es en position céphalique, et c’est le cas ! Ça n’inquiète pas R, la Sage-femme qui nous accompagne, ton papa, toi et moi dans cette aventure et dans ce deuxième projet de naissance à domicile.
Mais ça affole littéralement la maternité de repli, qui imagine d’abord que je fais du diabète malgré les excellents résultats de la glycémie prescrite par R. Je refuse le test du sucre. Ça ne leur plait pas. Ils insistent au dernier mois pour que je refasse une glycémie. Je m’y résoud pour calmer les esprits. Evidemment, pas de diabète ! On me prescrit une écho de plus le 8 avril, à quelques jours du terme, pour controler encore l’évolution de ton poids. La sage femme de la maternité craint que tu ne restes bloqué au niveau des épaules. Elle n’entend aucunement que j’ai déja sorti des gros bébés, sans galère majeure, que c’est pas comme si j’étais primipare non plus. Je me mets à espérer sans trop y croire que tu naisses avant le 8, pour éviter ce stress, pour éviter d’autres pressions de leur part. Puis, quand je pense à ta naissance, je me dis qu’un jour de semaine serait l’idéal, quand tes frères partent à l’école, comme ça leur garde ne poserait pas de problème. Un matin serait même la cerise sur le gâteau : j’aurais la journée pour me remettre un peu avant leur retour…
La fin de grossesse est donc pénible. Je me traîne, j’ai mal partout et même l’ostéo ne me soulage plus. Je suis mal dans à peu près toutes les positions, nuit et jour. Rien ne m’est vraiment confortable. J’ai de plus en plus de mal avec la nourriture. En dehors des radis, pas grand chose ne passe. J’échange ma chaise de bureau contre le ballon de gym. J’ai des contractions de plus en plus profondes, disparates, une de temps en temps, de manière aléatoire, un peu tous les jours. Je sais ce que ça veut dire : tu es en train de crocheter la serrure ni vu ni connu et tu me prépares le scénario du “bébé savonette”. D’ailleurs à la visite du 9ème mois à la maison, le 24 mars, R m’avait déja annoncé que le col était ouvert à 2 et que vu son aspect, en effet, ça ne serait pas suprenant que ça aille vite encore une fois. Mais vite, ne veut pas nécessairement dire tôt !
Je sens que tu dois être grand. Je te sens lourd. Je dis à ton papa que c’est peut-être toi le plus gros de tous, qu’en tout cas tu es sûrement plus gros qu’E. (3,800 kg à la naissance, mon plus petit bébé). Et du coup, je te parle beaucoup : je te dis que ça serait bien que tu tardes le moins possible, que tu viennes dès que tu te sens prêt, parce que je sais que tu es costaud. Je te dis aussi que si tu attends trop, cela risque de nous créer des problèmes, à cause de ton poids, que moi je sais qu’on peut y arriver si tu ne tardes pas. Sur les conseils de l’ostéo, ton papa me masse certains points pour préparer et favoriser ta naissance.
Nous attendons la venue ton cousin aussi. Il a déja une semaine de “retard”, lorsqu’il naît lundi 4 avril 2011 au soir. Tes frères ne manquent pas de te dire que maintenant, c’est ton tour, que tout le monde t’attend, que tout est prêt.... et qu’ils t’aiment !
Le mardi 5 avril, en revenant de l’école avec tes frères, je monte les escaliers à pieds. Le mercredi 6 avril, on sort au soleil faire quelques courses avec ton papa pendant sa pause déjeuner. J’ai mal partout dans le bassin, mais sortir me fait du bien malgré tout. Au retour, je monte les escaliers à pieds encore. Le soir, alors que nous sommes tranquillement assis sur le canapé avec ton papa, tu fais encore la toupie dans mon ventre. C’est impressionnant de voir comment il se déforme. On se dit que c’est décidément pas pour tout de suite. Mouhouhéhé !
Pas pour tout de suite, non, papa, maman, juste dans quelques heures, attendez de voir !
Jeudi 7 avril 20115h55 Je ne sais pas combien de fois je me suis levée cette nuit là pour l’incontournable pause toilettes de la baleine échouée. Pas tant que ça, il me semble. Ce que je sais, c’est que je me suis levée un peu avant 6h, et puis je me suis recouchée. Je ne me souviens plus si à ce moment là le bébé bouge ou pas. J’ai une contraction, assez profonde, comme celles que j’ai depuis quelques jours, sauf que celle-ci n’est pas isolée. Une autre se pointe, assez rapprochée. Je m’asseois. Une autre ou deux autres encore. Je ne sais plus. Douloureuses, profondes, mais pas insupportables. Je n’ai pas envie d’affoler Zard pour rien, c’est vrai, mais en meme temps, j’ai en mémoire la rapidité de la naissance des frangins… Et puis, entre temps, je viens d’aller deux fois aux toilettes en 10 minutes et à 6h du matin : c’est assez étrange pour moi, mon corps roupille à cette heure là en principe et, sans rentrer dans les détails, mon transit aussi ! Je me suis aussi vidée avant l’arrivée des aînés, donc on ne sait jamais.
6h10Finalement, je réveille Zard à 6h10. Il se lève au quart de tour, en forme on dirait, lui qui a du mal le matin habituellement ! Je lui dis que je prends 2 spasfon et que si dans 20 minutes, rien ne se calme, il appelle R, pour la prévenir. Ça me paraît tôt par rapport au terme. Je ne sais pas quoi en penser. D’un autre côté, ça fait des semaines que je perds du bouchon muqueux, que je contracte à tout va, que le bébé est super bas… Et, depuis quelques jours, j’ai même des fruites de colostrum (nouveauté de cette fin de grossesse !)… Ce sont de toute façon des signes que la venue du bébé approche, mais à quel point ? Et puis, on est un jour de semaine, un matin… On est pas encore le 8… J’espère… J’espère… Mon bébé m’aurait-il écouté ?
Je me met sur mon ballon. Comme le ballon est devant mon bureau j’en profite pour envoyer un message sur mes forums. J’y écris à 6h21 que j’ai mal depuis une demi-heure, des contractions profondes. Mais je ne sais toujours pas à ce moment là si c’est la bonne alerte ou pas. Je ne suis pas bien sur le ballon. J’y reste à peine 15 minutes, le temps que le bain que je réclame à Zard soit prêt.
6h38Je me plonge dans le bain. Je n’arrive pas à régler l’eau assez chaude pour me soulager. Arrrg ! Pour E. le bain chaud, avait été la clé de tout. Et là, à part me coller en plus la douchette brûlante dans le dos à chaque contraction, je ne trouve aucune solution. Et celle-ci ne me satisfait pas totalement non plus !
Ça fait déja 20 minutes que j’ai pris ces foutus comprimés de spasfon et rien ne passe. Au contraire, ça s’intensifie. Les contractions sont rapprochées toutes les les 5 minutes en moyenne. Je le sais, car Zard a noté l’heure sur un papier à chaque fois que j’en avais une. C’est aussi grâce à ce papier que je sais que j’ai mis au monde mon bébé en environ 35 contractions en tout (sans compter, celles, nombreuses, avant le jour J, évidemment !).
Bref, le spasfon n’a donc rien calmé et Zard s’active entre les contractions.
Il commence par appeler R. Il n’a pas le temps de dire autre chose que “Weef a des contractions régulières”, elle répond “j’arrive”. Elle précisera par la suite : “je savais que si c’était toi, je devais être dans ma voiture dans les 10 minutes. Je ne devais pas demander à te parler ou poser des questions comme je le fais habituellement pour les autres mamans.”
Ensuite, il réveille les enfants.
Entre temps, à chaque contraction, il est présent, et essaye de me soulager comme il peut. Il pose une main sur le bas de mon dos. Eh oui, troisième accouchement, troisième accouchement par les reins et ça fait maaaaaaaleuh ! Il allume la douchette réglée au plus chaud possible et la place dans mon dos. Mais finalement, ce qui fonctionne encore le mieux, c’est encore la même recette que pour E : me suspendre à son bras en travers de la baignoire au dessus de moi. J’ai la sensation que cette fois, tout est plus violent. Est-ce parce que j’ai oublié, parce que l’eau n’est pas assez chaude ? Zard me dira après coup que je lui ai fait plus mal au bras aussi. J’ai sûrement dû avoir plus mal cette fois-ci alors !
Pour une fois, I. s’habille en un temps record. Je ne sais plus si il demande à venir me voir dans le bain ou si je le lui propose, mais il passe un quart d’heure avec moi dans la salle de bains, le temps de 3 ou 4 contractions à peu près. Il m’aide comme il peut lui aussi, en alternance avec Zard. Il m’allume l’eau chaude quand je la demande, m’encourage, me donne sa main à serrer aussi. Paraît que je lui ai serré un peu fort d’ailleurs. Il m’a dit après : “maman je pensais pas que c’était aussi fort et que t’avais aussi mal”. J’ai adoré ce moment. J’ai adoré faire un tout petit bout de chemin avec mon grand garçon, celui qui m’a faite mère, le seul qui n’a pas eu la chance de naître chez lui ! Il change même son t-shirt à un moment car il se retrouve trempé, je ne me souviens plus comment.
La contraction que j’encaisse pendant qu’il change de t-shirt me fait dire à Zard qu’il est temps d’envoyer les enfants chez J, notre voisine, prévenue par téléphone quelques minutes plus tôt. I. revient m’embrasser et part tout seul avec le plateau du petit dej’ au bout du pallier. E. a les yeux du sommeil et est encore en pyjama quand Zard me l’amène pour faire un bisou avant de partir. Je lui dis quelque chose, je ne sais plus exactement quoi. Je lui dis que le bébé arrive et que je l’aime, quelque chose comme ça. Puis, Zard file le déposer J avec ses vêtements.
7h10Ayé, les enfants sont partis et ça s’intensifie encore !
D’ailleurs sur le papier de Zard, les contractions sont de plus en plus rapprochées à partir de ce moment là. Toutes les 3 minutes maximum. Je dis des âneries entre deux contractions. Je ne me souviens pas de tout, mais je dis entre autres : “bientôt les sashimis !”. Oui, oui, on se motive comme on peut ! Je m’encourage. J’encourage mon bébé aussi. Je lui dis qu’il est le meilleur, qu’on va y arriver. Je le sens bouger aussi. Et pendant les contractions, je fais des “ouhouhouh,” comme pour E., mais je ronchonne aussi copieusement que j’ai mal. Je retourne faire pipi. J’ai à peine le temps. Une autre contraction se pointe sans que j’aie le temps de me réasseoir dans le bain. Ouille !
Vraiment, j’ai de plus en plus mal. Bain ou pas bain. Eau chaude ou pas. Bras de Zard en travers au dessus de moi ou pas. Ça devient juste ingérable ! Y’a plus rien qui marche !
Je perds pied. Je ne me souviens pas avoir perdu pied comme ça pour E. Je m’étais laissée portée par la douleur, oui, mais elle ne m’avait pas dépassée. C’était indéniablement nettement moins violent. Et là j’ai l’impression qu’elle m’emporte littéralement. Je me souviens meme avoir dit (crié ?) : “Mais pourquoi j’ai voulu accoucher à la maison hein aussi, je gère plus là !”.
Je ne sais pas, je ne sais plus, si je dois sortir du bain ou pas. Si c’est le moment ou pas.
R rappelle. Elle est coincée dans les bouchons à Lafayette. Zard me répète ça, je le regarde hébétée entre deux contractions genre “et alors?”. De toutes façon, je ne sais pas où c’est Lafayette moi, et à l’évidence, c’est pas maintenant que je vais aller me renseigner sur google maps hein !
7h35 Finalement après quelques minutes d’hésitation, je décide de sortir du bain. Après tout, je pourrais toujours y retourner si je change d’avis. Je vais dans le salon et je me pose à 4 pattes sur le clic-clac. Ça a comme un goût de déja vu ! Zard a déja tout préparé entre deux contractions de manière à ne laisser que le millefeuille bâche de peinture / drap / bâche de peinture / drap. Il a ajouté quelques alèses jetables dessus ça et là.
J’ai affreusement mal aux reins, même hors contractions, ça me prend tout le bassin, ça me tire de partout. Je tremble carrément de douleur en fait ! Moi qui croyait souffrir du bassin ces dernières semaines, c’est pire que tout à ce moment là. Je demande à Zard des compresses.
Au lieu de ça, il m’apporte la bouilotte, mais c’est pas ça que je veux ! Entre temps le téléphone sonne, R est derrière chez nous, côté garage. Zard appuie la bouillotte avec sa main en même temps qu’il lui parle, ça me fait plus de mal que de bien. Je l’entends dire à R. de se garer, pas le temps de descendre au garage, là. Toujours pas de compresses, il n’en trouve pas. Je prends donc les contractions sans aide pour me soulager. C’est raide ! Inutile de préciser qu’on m’a vue de meilleure humeur ! J’enfouis ma tête dans les coussins, je crois même que je les mords à plusieurs reprises. J’ai du mal à me retenir de hurler cette fois-ci. Je n’avais pas crié pour E, mais là, je crois bien que je crie cette fois, trop mal ! En même temps, les enfants de l’autre côté du mur n’ont rien entendu du tout et Zard m’a dit après coup, que non, je n’ai pas fait tant de bruit que ça. Est-ce juste ma perception de la violence de cette naissance qui me fait voir les choses ainsi ? L’interphone sonne en pleine contraction, Zard fait mine d’aller répondre. Là je l’engueule carrément ! Déja, j’ai pas eu mes compresses, alors zut quoi, R peut bien attendre que la contraction soit passée ! Je ne veux surtout pas qu’il me laisse en pleine contraction ! Il reste. Il ne fait pas grand chose. De toute façon, y’a pas grand chose à faire à part être là. Et il est là. Il attend juste qu’elle passe à mes côtés. C’est tout ce qui compte. Et c’est durant cette même contraction archi violente qui m’emporte totalement que la poche des eaux explose littéralement sur le carrelage au pied du clic-clac.
Zard s’écrie : “les eaux !”. Je m’entend lui répondre ironique : “sans blague ?”.
Il répond à l’interphone : on peut dire que R va arriver pile dans le vif du sujet hein !
Il s’empresse d’éponger grossièrement les eaux avec des alèses. Une autre contraction arrive, de la même violence inouïe, au moment ou R. entre dans l’appart. Zard tourne la tête vers elle, puis se retourne vers moi. C’est à ce moment là qu’il a vu la tête du bébé. Je ne sais plus si il me l’a dit ou pas. Mais je l’ai su quand je l’ai entendu respirer et gémir. Comme son frère, je l’ai entendu avant de le voir, avant de “savoir” si c’était un bébé-fille ou un bébé-garçon. R me dit de pousser. Zard renchéri, il a l’air paniqué. R insiste :”Il est cyanosé, il a respiré, il faut que tu pousses sans attendre la contraction suivante”. En fait j’ai su après, que sans avoir vu le déroulement du travail avant ni son rythme, elle craignait que la contraction suivante ne se pointe qu’au bout de plusieurs minutes et que le bébé ne reste plusieurs minutes coincé ainsi. Je la sens qui trifouille quelque chose. Aieuhhh ! Le bébé a une circulaire assez serrée, ça explique sa couleur, elle fait passer le cordon au dessus de tête. Mon corps n’est pas si mal fichu. J’ai à peine le temps de reprendre une inspiration et elle de sortir le cordon, que la contraction suivante, celle qui va faire naître mon bébé s’amène direct. Mon corps sait ce qu’il doit faire et ça pousse tout seul, mon bébé trouve le chemin tout seul, il suffit que je me laisse emporter par la vague encore une fois.
Il est là je l’entends pleurer. J’entends Zard, complètement chamboulé, me dire que c’est un garçon. Je lui en veux un peu d’ailleurs : j’aurais préféré le découvrir moi-même. Puis, en même temps, je ne lui en veux pas tant que ça non plus : c’est pas comme si je ne m’y attendais vraiment pas… Encore une fois, sur cette question du sexe, mon intuition de maman n’aura pas failli.
Il est 7h45, Armaël est né !
7h45 Quand je me retourne dans les secondes qui suivent, il est rose et il pleure.
Je le trouve énorme. En un coup d’oeil, je vois qu’il est plus gros qu’I à la naissance. D’ailleurs, R fait la même réflexion au moment où j’y pense, elle dit que c’est un bébé de plus de 4 kg, c’est sûr ! Je le prends contre moi. Il ne cherche pas encore le sein, mais il est tout contre.
Et l’histoire se répète… Le placenta ne sort pas. J’ai des contractions monstrueuses, d’une violence incroyable, à l’image de cette naissance, mais queue d’ale ! Semi-assise, accroupie au dessus du saladier, rien n’y fait ! Armaël ne fait pas mine de téter non plus, ce qui n’aide pas. Et puis je tremble comme une feuille du tsunami que je viens de vivre. Je n’arrive ni à avoir la force, ni à trouver une position confortable.
Je ne sais plus à quel moment on coupe le cordon. Cette fois-ci, c’est Zard qui s’y colle, alors que les 2 autres fois c’était moi.
Je crains d’avoir effrayé les enfants de l’autre côté du mur ou qu’ils n’aient entendu le bébé pleurer. Zard appelle J. En fait, ils n’ont rien entendu du tout. Il dit simplement que le bébé est tout juste là, mais que tout n’est pas fini, et demande si elle peut les conduire à l’école. Il dit qu’il ira les y chercher dès que possible. J m’a raconté ensuite qu’en partant pour l’école, ils ont envoyé des bisous vers la porte de notre appartement pour maman et le bébé. Trop mignons !
On pèse Armaël. 4,550 kg ! D’un coup, je ne me demande plus pourquoi j’ai eu si mal ! Ni pourquoi c’est le seul des trois qui ne soit pas allé à terme !
Au bout de trois quarts d’heure, le placenta n’est toujours pas sorti. R commence à stresser (ou me stresser ?) un peu quand même. Elle dit qu’on se donne encore un quart d’heure avant un transfert, qu’elle va essayer de m’aider. Je ne sais pas si c’est le mot transfert ou le fait qu’Armaël se mette à téter à ce moment là, mais le foutu placenta sort entier précisément à la contraction suivante accompagné par la main de R sur mon ventre. Ouf !
Là, maintenant, on peut souffler !
8h30Bon, reste plus qu’à faire un ou deux p’tits points (eh oui, vu le gabarit j’y ai pas échappé) et à ranger tout le foutoir et on sera enfin peinards.
Tout le monde commence à se détendre.
On fait une petite toilette de chat à Armaël, qui contrairement à E est couvert de sang.
D’ailleurs je ne sais plus si la toilette de chat était avant ou après la délivrance ?
Je me pose enfin avec mon bébé. R dit que je peux boire et manger si je le veux, mais ni Zard ni moi n’avons faim. Trop d’émotions sûrement ! Je bois néanmoins un peu d’eau… Elle boit un café et mange des tartines. Il faut dire que la naissance d’Armaël est sa cinquième en 5 jours. Elle s’est couchée à 4 heures du matin après avoir accueilli un autre bébé cette nuit. Et on l’a réveillée 2 heures après !
Un peu plus tard, je me lève pour prendre une douche. R m’aide à m’habiller : je suis encore bien flagada ! Elle me passe de l’huile d’Arnica dans le dos au niveau des reins. Aaaaaah, ça c’est la récompense de la maman !
Zard part chercher les garçons à l’école pour qu’ils découvrent leur frère. Sur place, tout le monde lui demande si le bébé est une fille ou un garçon. Il répond qu’il faudra demander à I et E à leur retour.
10h27Les enfants arrivent. Ils se lavent les mains, dans une agitation mal dissimulée. Ils rentrent dans le salon sur la pointe des pieds et découvrent le bébé qui n’a même pas 3 heures de vie. Ils le mangent des yeux. Comme à la naissance d’E, au bout de quelques instants, on propose d’ouvrir la couche pour découvrir si ils ont un petit frère ou une petite soeur. C’est E, justement, qui le fait. Et ils sont ravis ! Ils voulaient tellement un frère et le voilà ! On leur dit le prénom aussi. I demande comment ça s’écrit. E essaye de prononcer. Ils posent quelques questions. I demande si mon ventre est encore gros. C’est rigolo, il avait posé la même question à la naissance d’E. E demande où sont les pinces et les ciseaux pour le cordon. On avait bien expliqué que les bébés sortaient normalement la tête en premier, puis le placenta, le rôle du placenta et du cordon… Visiblement, il faut croire qu’il a très bien compris ! Puis tous deux réclament à voir le fameux placenta. On hésite. R dit que selon elle, ça ne pose pas de problème, surtout si ils en font la demande. Zard leur montre rapidement le saladier, les voilà satisfaits. Gore mes fils ?
Il les raccompagne ensuite à l’école. Ils retrouveront Armaël plus tard, là, j’ai besoin de repos.
D’après Zard, ils étaient fiers d’annoncer eux même à l’école qu’ils avaient désormais un petit frère.
R s’en va à peu près au même moment, peu avant 11 h.
Et la vie reprend juste son cours normal…
Epilogue- Spoiler:
Cette naissance, ta naissance, Armaël, vient très probablement clore le parcours de mes enfantements. Ça me rend profondément triste de me dire que plus jamais il n’y aura la vie en moi. J’ai adoré vous porter tes frères et toi, malgré les désagréments, adoré vous mettre au monde, malgré l’intensité de la douleur. J’ai mûri à chaque naissance. Chacun de vous m’a faite grandir.
La naissance d’I m’a permis de comprendre que j’étais capable d’enfanter naturellement. J’ai eu une péridurale, oui, parce que j’ai perdu le contrôle et j’ai laissé le corps médical me prendre en charge. Si je m’étais fait confiance, I serait né de la même manière qu’E et toi : c’est à dire vite et efficacement, probablement en moins de 3 heures lui aussi. C’est même ce qu’on m’a sous-entendu à la maternité, si j’avais traîné une demi-heure de plus... Je n’avais pas assez confiance en moi à l’époque et puis votre papa n’était pas encore dans ma vie, il n’était pas là pour me soutenir.
N’empêche que c’est I qui m’a donné la force de choisir l’AAD pour ton frère E. C’était un choix à l’époque. Je pensais avoir le choix entre la maternité et la maison. En fait, je n’aurais pas eu le temps de partir où que ce soit. Et pour toi non plus. Il aura fallu ta naissance pour me rendre compte que l’AAD en fait, pour moi, ce n’est pas un choix. Hors problème médical avéré et connu à l’avance, c’est juste la seule option possible ! Je n’ai pas le temps de rien. Si à 7h10, après avoir déposé tes frères chez la voisine au bout d’une heure de travail on s’était mis en route pour la maternité, je t’aurais mis en danger. On aurait sans doute pas pu gérer ta circulaire du cordon dans la voiture. C’est aussi ce que pense R d’ailleurs…
De plus, tu étais un gros bébé et j’ai eu très mal oui, mais je crois que ça aurait été bien pire à la maternité parce qu’on ne me faisait d’emblée pas confiance pour te faire naître et là bonjour l’interventionisme, bonjour les dégâts. Forceps ? Episio ? Déclenchement ? voire même césarienne ? Cocher les cases, options multiples probables ! La nature a prouvé qu’il n’était nul besoin de tout cela !
La naissance de ton frère E avait déja été profondément réparatrice. La tienne, Armaël, vient de booster à fond ma confiance en moi, souvent si fragile, et en mes choix de maman. Merci pour ce précieux cadeau que tu me fais. Il faut que je garde cette force en mémoire. Il faut qu’elle me guide pour faire de vous trois des hommes maintenant…
Merci mes fils, merci la vie !