Je viens de lire certains des récits de naissance exposés ici, et ils sont bouleversants, vraiment.
Bouleversants et tellement enrichissants pour moi parce que me donnant (enfin) des clefs pour percevoir ce bébé que "nous" attendons, Margoton et moi.
Car je ne me souviens que trop bien du "parcours médicalisé" de mon fils (enfin... de sa mère au départ), de cette frustration de n'être qu'un accompagnateur, de ces longues heures d'attente pour les visites, les contrôles divers et variés, aseptisés, robotisés, cet univers de blouses blanches interchangeables-ées, de ces rdv d'un cabinet à l'autre qui, au bout du compte, me rappelle mes "3 jours", ces journées passées à la caserne pour savoir si on est bon pour le service, où pas.
Ben mon fils il a été incorporé, décrété bon pour le service. Médical bien sûr.
Et je me revois moi, "géniteur" zélé, gêné, perdu dans cet univers obscur, ne comprenant pas grand chose si ce n'est que c'est "mon devoir" d'être là, mais de préférence sans faire suer le monde à poser des questions parce que le temps hospitalier est précieux, si ce n'est sacré.
Je suis loin, je suis à côté, sur le bas-côté.
Je ne vois qu'un ventre qui s'arrondit, j'essaie d'être "impliqué", mais le lien n'y est pas, je simule de temps en temps, ça à l'air de se faire, sans plus.
Pourtant j'ai toujours rêvé d'avoir un enfant.
Donc je suis là. Je trottine, je galope, je patiente, je fais le pied de grue, parviens à me glisser dans un cours de massage pour bébé, cherchant désespérement qlqchose qui me permette d'être en contact avec la chose là, dans le ventre, là.
"Pose ta main. T'as senti".
Ni ressenti.
Puis vient la nuit "promise", 1h00 du mat', les pompiers, venus une première fois qlq temps avant, nous offre un deuxième voyage vers la maternité.
Pin-pon, pin-pon, moi dans mon gros camion rouge, un rêve de gosse.
Ah non.
Juste une nuit de brouillard, celui devant mes yeux de témoin des évènements.
Entrée des Urgences, néons blancs façon crèvent-les-noeil, je trottine derrière le chariot, le caddie est plein.
Portes battantes vert bouteille à hublot, salle froide anti-microbienne aux murs et sol couverts d'adorables petits carreaux de mosaïque vert-à-chier délicieusement mis en beauté par un éclairage néon jaune pisse.
Triste comme un abattoir un jour de congrès végétarien.
Et puis les manoeuvres de base poussez-vous-monsieur le défilé des OS restez-pas-dans-le-passage la mise en place du processus selon la charte IA-001XK04 ou approchant tenez-on-est-gentils-on-vous-a-préparé-un-fauteuil-dans-la-salle-d'accouchement-asseyez-vous-voilà-merci-on-vous-rappellera.
Malgré l'agressivité des néons, je sombre.
Réveil en sursaut vers 6h00 du mat', le travail est à son paroxysme.
Personne n'a songé à me réveiller.
Je m'invite quand même, on sait jamais, et je fais bien, on m'accepte.
Bon, après coup je me dis que c'est peut-être aussi parce que le personnel se dit que le père mérite bien de prendre sa part.
A savoir les griffes dans le bras, les insultes, "encouragez la" toussa et en même temps ils ont raison.
Mais le bébé, lui, ne passe pas comme une lettre à la poste, faut les forceps.
Et là, ça se dérègle.
Vu que le doc a opté pour les pinces, on veut me virer de la salle. Mais je veux pas.
D'un coup c'est plus moi.
Je sais pas pourquoi, mais c'est plus moi.
Tout devient clair et lumineux, véritablement, dans cette salle des nativités.
Je sais, c'est con, on va croire que j'ai été touché par la vierge, moi qui suis même pas croyant.
Les infirmières insistent pas, le doc gyneco (un vrai celui-là, noir aussi mais vrai gyneco) pas longtemps, je suis dans un état second.
Je ne vois plus véritablement ce qui se passe, non, d'un coup, je ressens, je perçois, euphorique, shooté à l'adrénaline, en transe presque et je vois apparaitre la tête chevelu de mon fils, instants magiques, exceptionnels, je prends tout plein la gueule, je m'y attendais pas.
Une magie pure.
Je suis en larme, le visage inondé, incapable de prendre mon fils tellement j'ai les yeux noyés, j'y vois plus rien, c'est merveilleux.
Tout simplement.
Papa baigne dans le bonheur, enfin.
Il est né le 6 juin 1997 à 6h57, mon fils.