Voici un article qui viens de paraitre ...
(j'en profite pour faire un peu de pub au film "Choron dernière" si vous ne l'avez pas vu ...)
ACCOUCHEMENT A DOMICILE
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> Une autre ponte est possible
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> Agathe André
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> Charlie Hebdo, 22/4/2009, page 7
>
> « Mon corps m'appartient, même quand j'accouche, c'est mon sexe ! »
> Efficace. Mais derrière le slogan qui claque, une bande d'hystéros de
> la naissance naturelle, qui réduisent les femmes à des mammifères.
>
> Un mail, puis deux. Parfois, quatre par jour. De plus en plus longs,
> renvoyant tous vers le site des Déchaînées(1), « les extrémistes de la
> naissance », et tous signés Selina Kyle, en hommage à Catwoman...
>
> Son obsession : l'accouchement à domicile (AAD). Son combat : dénoncer
> «les non-sens de la prise hospitalière », le recours systématique à
> l'épisiotomie, à la péridurale et aux injonctions médicales
> autoritaires qui contiennent « la puissance du corps féminin
>
> Après tout, on a le droit de préférer une déchirure tortueuse à un
> coup de ciseaux net et précis. Une bonne vieille douleur christique à
> un anesthésiant. Et de trouver fendard de mettre bas à la maison : en
> 2009,l'accouchement est un phénomène plus social que médical, « a
> priori sans danger pour 80 % des cas, précise Selina, ce n'est pas
> plus risqué pour une femme en bonne santé, accompagnée par une
> sage-femme qui la suit depuis le début, que d'accoucher à l'hôpital ».
> Et d'ailleurs, « en cas de soucis, on organise un transfert vers la
> maternité la plus proche ».
> Le sourire et la crémière. Le bébé et l'eau du bain... Le Dr Pelloux
> confirme: « Dernièrement, on a trouvé une femme dans sa baignoire, son
> nouveau-né noyé... On est obligé de reformer les urgentistes et le
> SAMU à l'accouchement d'urgence pour faire face à cette nouvelle mode... »
> Catwoman insiste : « Rien dans la loi n'interdit l'AAD, mais les
> sages-femmes trouvent de moins en moins d'assureurs, il faut ouvrir
> des maisons de naissance sauf qu'il n'y a aucune volonté politique ! »
> José Bové fut le dernier à porter le message, et, qui sait, vu la
> gueule de l'hôpital public (voir p. 2), l'hospitalisation à domicile
> est sans doute l'avenir...
>
> Le retour de la matrone
>
> Et puis, il y eut le mail de trop. Intitulé « Un pur enchantement ».
> Renvoyant à une vidéo écolo-mystico- new-age : une pièce sombre,
> éclairée par quelques bougies, où une femme valse et psalmodie avant
> d'enfanter.
> Une adepte du chant prénatal et de Michel Odent, chirurgien et
> obstétricien, pour qui le bébé est « le plus beau des mammifères ». Or
> «les mammifères se cachent et s'isolent pour mettre au monde leur
> progéniture. Ils ont besoin d'intimité ». Bref, nous sommes toutes des
> biques. Il faut donc, si l'on croit Selina, « respecter le rythme
> physiologique et écologique de l'accouchement. Une danse dans laquelle
> la mère et son bébé sont en interaction. Il faut s'abandonner aux
> contractions ». Car, là, « le féminin est à l'oeuvre » : en matière
> d'obstétrique, les hommes, encore eux, auraient aussi imposé leur
> vision...
>
> « Aujourd'hui, l'accouchement ne fait plus partie de la sexualité
> féminine. On ne parle que d'IVG et de contraception. Or ce sont les
> femmes qui accouchent : il faut leur reconnaître le droit de pouvoir
> trouver ça génial d'être enceinte. » Derrière les fourneaux, pourquoi
> pas? Mais oser réécrire le Manifeste des 343 salopes, en remplaçant «
> IVG »par « accouchement à domicile », c'est juste faire le jeu d'un
> féminisme régressif : là où les femmes revendiquaient l'égalité devant
> la sexualité et la parentalité, ces excitées des ovaires réaniment les
> vieux démons essentialistes et l'empire des ventres.
>
> Et voilà comment, derrière la contemplation hippie face au miracle de
> Mère Nature ou derrière un pseudo-combat pour une alternative au
> milieu hospitalier, la prison des genres refait son apparition. La
> moelle de la féminité est une fois de plus inscrite dans la maternité.
> C'est la nature qui fonde notre supériorité. Pas la culture... Une
> dérive dans l'air du temps où le bonheur, c'est l'idéal maternel,
> Edvige Antier et l'allaitement jusqu'à 25 ans, les couches en papier
> mâché et la cabane au fond du jardin...
>
> AGATHE ANDRÉ