C'était il y a 11 mois...
J'ai commencé à avoir des contractions à 3 mois 1/2 de grossesse. J'ai eu très très peur d'une fausse-couche tardive. Mais rien du tout, gygy m'a dit que mon utérus "faisait du sport" en vue du grand jour...
Deux mois plus tard, une vieille déchirure intercostale (que j'avais depuis 2 ans mais que je ne sentais plus du tout) s'est réveillée à cause du poids de mon ventre. J'avais en permanence un point de côté intolérable sous le sein droit... Au bout d'un mois, à 6 mois 1/2 de grossesse, gygy m'a arrêtée et je me suis allongée. C'était la seule position confortable.
Lors des cours de préparation à l'accouchement , la SF m'avait laissé entendre qu'un gros bébé (puisque l'échographiste m'avait dit que mon fils serait "un peu au-dessus de la moyenne") pouvait arriver un peu en avance. Et j'avais toujours des contractions... Mais pas douloureuses, pas régulières.
Le jour de Noël, je l'ai très nettement senti descendre dans mon bassin, alors qu'on se promenait à un rythme d'escargot dans le parc du château de Versailles... Le lendemain, c'était la pleine lune, j'étais pleine d'espoir, mais toujours rien.
A J-10, visite gygy, je lui dit que je n'en peux plus, que je me traîne, que j'ai mal dans le bassin, dans l'aine (Raphaël appuie sur l'artère fémorale). Je suis ouverte à 1. Elle me propose de me décoller les membranes, pour m'aider, et ayant lu dans Pernoud
que ça pouvait déclencher le travail dans les 48h, j'accepte. Elle me fait mal, je rentre chez moi en marchant très lentement (on habitait à 500m de la clinique où j'étais inscrite et suivie). J'ai des contractions plus régulières, toutes les 20 minutes, mais pas douloureuses et pas très fortes. Et ce que je ne sais pas à ce moment-là, c'est que ça va durer encore 10 jours...
Le lendemain du décollement, je perds le bouchon muqueux, et envoie immédiatement un SMS à zhom. Le faux travail recommence, et jusqu'au jour du terme, je vais passer mes journées l'oeil rivé sur la montre à compter les minutes, noter l'heure pour voir l'espacement des contractions, espérer comme une folle quand elles sont à 10 minutes d'intervale, pour finir à la fin de la semaine par pleurer quand je les sens s'estomper...
A J-4, fausse alerte, les contractions sont espacées de 5' (mais je trouve louche de ne pas avoir plus mal que ça). J'appelle zhom, il rentre du boulot sur les chapeaux de roue, et me trouve en pleurs dans un bain chaud, parce qu'elles sont repassées à 7 minutes...
J-3, dernière visite gygy avant le terme. Je lui parle du faux travail, lui dis que je suis épuisée, que le décollement n'a servi à rien. Elle me propose de déclencher à J+1. Comme une bécasse, j'accepte avec joie. Elle me dit de faire un monito de contrôle le jour du terme.
Jour J. Je vais à la clinique pour ce monito de contrôle, tout va bien. Je dis à la SF que le déclenchement est prévu le lendemain. "Si tôt?", me demande-t-elle avec un air surpris et contrarié. Elle me propose de me redécoller les membranes, me dit que ça n'a peut-être pas été fait trop bien la dernière fois, d'où l'inefficacité. J'accepte: qu'est-ce que je risque à part un jour de faux-travail de plus?
Elle me fait très, très mal, j'essaye de contrôler mes membres inférieurs pour ne pas lui décocher un coup de pied. Je me rhabille et rentre chez moi en marchant en crabe, avec plein plein de contractions. Il est 11h.
Il me reste une poche de veau bio sous vide dans le frigo, je la cuisine en prévision du retour à la maison: le veau aux olives embaume.
Je mange puis m'installe à l'ordinateur, une serviette de toilettes sous les fesses, quand tout à coup, je sens un petit craquement, quelque chose qui fait "poc" dans mon bas-ventre. Tiens, qu'est-ce que c'est? Et là, un liquide chaud se met à couler, couler, couler! Je me lève, roule la serviette entre mes jambes. Mon pantalon est déjà trempé jusqu'aux genoux. Il est 12h45. J'appelle zhom: "Je perds les eaux, dépêche-toi!" J'entends un de ses collègues qui dit "Ca y est? C'est bon?" Je file à la salle de bains me changer, je peaufine mon sac (un bon bouquin, des piles pour le discman). Zhom arrive, je prends une nouvelle serviette de toilette qui me sert à protéger le siège du Picasso (aaaah, zhom et son Picasso...).
On arrive à la clinique, morts de rire tous les deux parce que ma jupe est trempée et que le liquide amniotique me coule dans les bottes. Je fais de petites flaques dans le parking, dans l'ascenceur, dans le couloir. Je sonne à l'obstétrique: "C'est pour quoi? -Je perds les eaux!" Le temps qu'on nous ouvre, un papa sort, arrache sa charlotte et sa blouse, nous regarde en râlant: "P***! je suis là depuis ce matin, c'est toujours pas fini!" Bienvenue au monde, petit... C'est la SF du matin qui m'accueille: "Encore vous?". Elle m'examine, j'inonde la table d'examen, je suis à la fois gênée et morte de rire. Mais là où je ris moins, c'est quand elle me dit que je suis toujours à 1 et que mes contractions sont de faible intensité (pourtant, je les sentais mieux, moi, depuis le matin). Je me vois déjà accoucher en 24h... Elle m'envoie dans ma chambre, en me disant de revenir vers 16h.
Je m'installe donc, je mets mes affaires dans le placard, zhom rentre un moment à l'appart pour garer la voiture sur notre parking (puisqu'il peut venir à pieds), mettre le veau aux olives au congélateur et me prendre un autre bouquin.
Quand il revient, il m'ordonne de m'asseoir ("Mais je suis bien, debout, moi!"). On attend en papotant. Il est presque 16h, je mets ma vieille chemise de nuit (on ne sait jamais, hein, s'ils me gardaient) prévue pour la naissance, ma robe de chambre histoire de ne pas avoir l'air pouilleuse, et on se fait le couloir aussi vite que deux aï-aï à terre... Je dois m'arrêter pour souffler quand les contractions sont là. On croise un groupe de femmes enceintes qui visitent la maternité, elles me regardent d'un drôle d'air...
Cette fois, c'est bon. Mes contractions sont fortes et régulières, mais je n'ai pas mal, juste besoin de souffler pour soulager cette sensation de pression. On continue à papoter, zhom et moi. A 17h, j'ai faim, je le dis à la SF, elle ne veut pas que je mange, j'obéis, et zhom me nargue avec ses palets bretons et sa plaquette de chocolat. J'essaye de lire, mais pas moyen. J'avais pourtant prévu un bon bouquin ("L'excursion à Tindari" du sicilien Andrea Camilleri). On me passe en salle de pré-travail. Je n'ose pas demander à la SF si je peux marcher, ou rester assise, puisque je perds les eaux. Je m'allonge donc sur le côté gauche, parce que là c'est supportable, je mets mes écouteurs et j'écoute Sigur Ros, pour me détendre, en essayant de visualiser le pré de la grand-tante de zhom, celui avec le vieux châtaigner... Je nous imagine tous les trois dessous... J'ai mal dans le bassin, j'ai l'impression que mes os se disloquent.
Soudain, j'entends un bruit étrange derrière la musique. J'enlève les écouteurs, et je me rends compte avec horreur que c'est une femme qui hurle, mais qui hurle, façon film d'horreur, comme si on l'étripait... Je regarde zhom, je comprends que ça fait un moment que ça dure et qu'il espérait que je continue à ne pas entendre, je panique et fonds en larmes. Moi qui jusqu'ici n'avais pas peur, ça y est, je crève de trouille d'accoucher. Je ne gère plus ma respiration, ça fait encore plus mal... Les contractions me broient littéralement les hanches, je ne sais plus comment me tenir. Zhom me rassure, me dit que le personnel médical n'a pas l'air inquiet du tout dans le couloir, qu'il va aller se renseigner. Mais la SF arrive, elle voit ma tête et me dit que la maman en question avait très très peur et évacuait son angoisse... Je lui dis que j'ai mal. Je me suis assise sur le bord du lit, dans cette position les contractions sont de plus en plus intenses. Elle m'examine, je suis à 8, dans une heure mon bébé sera là. Je demande une péridurale, j'ai peur de ne pas pouvoir pousser avec cette douleur. Il est 18h30.
Je passe donc en salle d'accouchement et je m'assieds sur la table. La pièce est blanche, glaciale, bouh... Une espèce d'ours arrive, limite dégueu, cheveux ni courts ni longs, un jean troué aux talons avec de vieilles pompes complètement éculées: l'anesthésiste. Zhom qui a une phobie des aiguilles va quelques instants dans le couloir pendant qu'on me pique. Rapidement, ça va beaucoup mieux, je sens jusque que mon ventre serre, et la douleur dans les reins et les hanches a complètement disparu... A tel point que je dois regarder le monito pour savoir quand respirer.
Il est 19h: changement d'équipe. Ma SF qui m'avait fait super mal, mais qui était très sympa, très dynamique est remplacée par une SF plus âgée, gentille elle aussi, mais pas le même genre.
J'ai envie de pousser. Elle m'encourage à faire pipi, mais avec la gêne et la péri, c'est impossible: elle me sonde. Pas vraiment agréable. Puis elle m'encourage à pousser doucement: je suis à 9, elle efface le dernier bourrelet avec ses doigts et me masse le périnée. Ca me soulage. Arrivée à dilatation complète, elle va chercher gygy qui attendait sagement dans le bureau à côté que la SF fasse tout le travail, pour arriver seulement lors du bouquet final.
On m'ordonne de pousser, je pousse, comme une folle, en apnée, tant que je peux. La Sf me dit "C'est bien, vous vous débrouillez comme un chef, il avance!" Gygy répond à voix basse "Oui, millimètre par millimètre" (Ca, c'est zhom qui me l'a dit après, je ne l'ai pas entendu sur le moment). au bout de je ne sais pas combien de temps ni de poussées inefficaces, le monito indique que le coeur de Raphaël ralentit (il m'a bien semblé l'entendre, mais je ne me rendais pas compte). Gygy me dit "Votre bébé a du mal à franchir les épines sciatiques, je vais vous aider un peu avec les forceps". Forceps, pour moi, ça évoque de suite "Le Grand Meaulnes" et la mort d'Yvonne, la petite fille au crâne déformé... Mais on n'est plus en 1900, hein, et puis j'ai la péridurale, je n'ai pas trop mal, alors je dis oui, sans me rendre compte.
Elle me pose les forceps, me dit de prévenir quand une contraction arrive et de pousser. Je la sens arriver, je dis "Contraction!", je pousse, et elle se met à tirer. La douleur est atroce. J'ai l'impression qu'elle m'arrache les entrailles, j'ai peur qu'elle ne casse les vertèbres de mon bébé. Et ça va se répéter plusieurs fois. A un moment, elle fait pire: je suis en train de me reposer, dans un état second, entre deux contractions, et en voyant le monito remonter un peu, elle tire, sans me prévenir. Je crois devenir folle de douleur, je fais un effort terrible pour ne pas hurler comme l'autre maman, je crie juste "NON!" en me redressant. Je retombe sur la table, quasiment en pluers, le souffle coupé, j'ai mal, j'ai mal! Je supplie qu'on me mette un peu plus d'anesthésiant. Je tourne la tête vers zhom et j'ouvre les yeux, et je vois l'anesthésiste, penché sur moi avec un regard doux et paternel, qui me dit du regard "Vas-y, petite, c'est presque fini!" Mon homme, lui, est assis sur une demi-fesse, sur un tabouret, dans un coin.
Dernière ligne droite: la SF monte sur mon ventre, je pousse autant que mes forces et la douleur me le permettent (heureusement qu'en apnée on ne hurle pas), gygy tire, puis me dit "Stop, ne poussez plus!" Facile à dire, je sens mon bébé dans le vagin. Pousser n'est plus une envie mais un besoin impérieux! Elle retire les forceps et me laisse finir seule: une dernière poussée et j'entends un bébé pleurer, rien qu'une fois. Je reombe sur la table, toujours dans cet état second,sans même me rendre compte que c'est mon fils que je viens d'entendre. "Attrapez votre bébé, Madame!" Je me redresse ("Quoi? Il est là?), attrape mon fils plein de vernix et de sang, le dépose sur mon ventre en disant "Mon bébé, ô mon bébé!" Zhom dit "Il va bien, il est un peu bleu, non?" et moi "Oh non, il est tout rose, et il a de grosses coucougnettes!" (éclat de rire de la SF, de gygy et de la puéricultrice que je n'avais pas vue entrer). Elles confirment qu'il est rose. La puer dit: "Il fait 4 ou 5kgs!", gygy répond "Oh, ça c'est du 5kgs" Ca??? Raphaël a relevé sa petite tête vers moi, et me regarde dans les yeux. Il est si beau!!!
La puer le prend, l'essuie, l'habille, sous les yeux de son papa, pendant que gygy me fouille l'utérus avec un gant de vétérinaire (vous savez, ceux qui montent jusuq'à l'épaule, qu'on utilise pour examiner les vaches) parce que le placenta est "douteux" (Mais comment? Je n'ai même pas poussé pour le délivrer...) Je suis tellement brisée que je n'ai même pas senti qu'elle l'avait arraché hors de moi pendant que je contemplais mon fils. Elle me recoud (elle a dû faire une épisio pour les forceps, et une des grandes lèvres est déchirée: elle recoud jusqu'au clitoris, sans vouloir me dire combien de points elle fait), grâce à la péri je ne sens quasiment rien.
J'ai froid, je fais une chute de tension, j'ai de la fièvre: on me recouche (on avait tenté la position semi-assise), on me donne une couverture puis on me met du Clamoxyl dans la perf. On me donne Raphaël pour la première tétée, il trouve le truc tout de suite. Je suis surprise de la force de sa succion.
Au bout de 2h, ma tension va mieux (j'ai un petit 8, mais bon...), on me ramène en fauteuil roulant dans ma cmabre où m'attend un repas chaud: le poisson passe bien, même à 1h du matin. Zhom se décide à partir, à contre-coeur. Je déteste me retrouver sans lui dans cette chambre inconnue. Je ne sais pas comment me mettre, j'ai tellement mal dans le bassin, mon sexe me fait atrocement mal si je m'assieds trop. Je n'arrive pas à dormir, bien que brisée de fatigue. Je passe la nuit avec la lumière allumée, à contempler mon fils dans son aquarium. J'ai du mal à le prendre pour lui donner la tétée, mais je ne me pose aucune question pour le mettre au sein, c'est déjà ça. On s'endormira tous les deux, côte à côte, au petit matin...
Au départ, je n'étais pas mécontente de cet accouchement qui aurait pu plus mal se terminer. LE point positif, c'est que j'ai pu sortir moi-même mon fils de mon ventre. C'est CE souvenir-là que j'essaye de garder quand je repense à mon accouchement, et non cette intolérable douleur des forceps.
Maintenant, avec le recul, les informations récoltées (en grande partie grâce à vous les filles), je me dis que ça n'aurait pas dû se passer comme ça. Je le saurai la prochaine fois, mais Raphaël aura fait les frais de mon manque d'information (y compris pour l'allaitement). Mais bon, au moins, contrairement à plein d'autres mamans accouchant en mater avec une sur-médicalisation, je m'en suis rendu compte!